lundi 22 décembre 2014

Un livre... un lieu

Un tag proposé par Romanza nous propose de faire revivre les lieux particuliers associés à nos lectures. Voici quelques-uns des miens :

Le Da Vinci Code, dévoré assise sur une marche d'escalier !

Guerre et paix, en vacances dans la Drôme, assise au bord de la piscine ou à l'ombre des arbres.

Les premiers tomes de Twilight, lus d'une traite étalée sur mon lit, dans ma chambre d'adolescente.

Persuasion de Jane Austen, découvert par hasard dans le CDI de mon lycée.

Maison des autres de Silvio d'Arzo, dans un train vers Paris, un matin d'automne.

Du sang sur la soie d'Anne Perry, dans une chambre d'hôtel avec vue sur la Cité de l'espace.

Et j'en oublie tellement...

mardi 13 mai 2014

Widdershins : Le Pacte de la voleuse - Ari Marmell

Elle a grandi dans la rue, été adoptée par un aristocrate avant de (re)devenir l’une des voleuses les plus talentueuses de la cité de Davillon. Elle est née Adrienne Sati, mais est désormais plus connue sous le nom de Widdershins... et a beaucoup d’ennemis, que ce soit parmi la Garde de la Cité, la Guilde des  voleurs ou les victimes de ses vols. Parviendra-t-elle malgré tout à sortir vivante de ses aventures ?

C’est une jeune femme piquante et pleine de charme que nous propose de rencontrer Ari Marmell, écrivain américain spécialisé notamment dans l’écriture de scenarii de jeux de rôle, en nous narrant l’histoire de Widdershins. Cette mystérieuse héroïne partage son corps avec un dieu, Olgun, qui l’aide dans son quotidien, ce qui ne les empêche pas de se quereller régulièrement. Ce duo est l’un des principaux atouts du roman, dont la plupart des autres personnages, tout comme le décor (la cité de Davillon, dont la description peut faire penser à une cité médiévale), restent trop rapidement esquissés pour être réellement marquants. Ari Marmell met pourtant un certain temps à démarrer son histoire, n’hésitant pas à multiplier les parenthèses pour préciser le cadre de son intrigue, un peu fouillis au départ.

Mais une fois le contexte posé, les pages se tournent toutes seules. Les rebondissements (souvent surprenants, mais pas saugrenus) s’enchaînent avec fluidité. Le style de l’auteur, travaillé, ne manque pas pour autant d’efficacité et même d’une pointe d’ironie bienvenue. Difficile alors de rester indifférent aux aventures de l’héroïne, jeune femme maligne, intrépide et courageuse.


Le Pacte de la voleuse est donc un premier tome qui donne indéniablement envie d’en savoir plus sur Widdershins. Merci en tout cas aux toutes jeunes éditions Lumen et à l’opération Masse Critique de Babelio de m’avoir permis de faire sa connaissance.

Ari Marmell, Widdershins : Le Pacte de la voleuse, éditions Lumen, 2014, 412 p.

Extraits: 

"Merci pour l'or, Monsieur le baron. J'en jouirai mieux que vous, je n'en doute pas. Mais voyez le bon côté des choses: désormais, vous ne serez plus tenté d'aller le dépenser en plaisirs alors que vous devriez être chez vous en train d'équilibrer vos comptes.

Sincèrement vôtre,
Une personne nettement plus riche qu'auparavant." (p. 65)

“-Renard s'est toujours bien comporté avec moi, reconnut-elle à contrecœur. C'est lui qui m'a prise sous son aile quand je suis entrée dans la guilde. Il m'a guidée dans mon apprentissage, m'a montré les ficelles du métier.
-C'était mes ficelles ou la corde, de toute façon ! s'amusa Renard. [...]
-Mais revenons à nos moutons. Qu’est-ce que tu fais à fouiner par ici ?
Renard rétorqua, hautain :
-Je ne fouine pas, madâme. Je me coule. Je rôde. Il m’arrive même, de temps à autre et au besoin, de me tapir. Mais je n’ai jamais, au grand jamais…
-Réussi à tenir ta langue plus de deux minutes consécutives ! l'interrompit Widdershins. Vas-tu te taire et répondre enfin à ma question ?
-Décide-toi: faut-il que je me taise ou que je réponde ?ˮ (p. 102)

« Même paré des plus beaux atours, un taureau reste un taureau. » (p. 199)

lundi 31 mars 2014

Une lettre de vous - Jessica Brockmole

Le roman épistolaire est un genre qui a donné naissance à des perles, comme Les Liaisons dangereuses, un classique qui fait partie de mon panthéon personnel, ou le piquant 84, Charing Cross Road. Mais c'est un type de narration complexe, qui peut virer à l'exercice de style plat et scolaire s'il n'est pas suffisamment maîtrisé.

Une lettre de vous, premier ouvrage de l’écrivaine américaine Jessica Brockmole, parvient à échapper à cet écueil, mais sans transformer complètement l'essai.

Tout débute en 1912, sur l'île de Skye, lorsque la jeune poétesse Elspeth Dunn reçoit une lettre d’un jeune admirateur américain. Elle décide de répondre, entamant ainsi une correspondance régulière avec cet étudiant qui partage son goût pour la littérature. Près de trente ans plus tard, à Édimbourg, Margaret trouve une lettre d’amour dans les affaires de sa mère, qui disparaît le lendemain. Elle décide d’enquêter pour lever le voile sur « le premier tome de [sa] vie » et tenter de mieux comprendre cette femme mystérieuse.

Dans Une lettre de vous, Jessica Brockmole mêle ainsi roman historique et correspondance, histoire d’amour et quête des origines sur fond de guerres. Le premier fil narratif est plutôt réussi. L’auteure réussit à rendre vivant et plein de charme l’échange épistolaire entre Elspeth et David, son plus fervent lecteur. De plus, s’étant visiblement documentée, elle nous permet de découvrir quelques aspects peu connus des deux guerres mondiales sans que l’on ait l’impression de subir un cours d’histoire : David s’engage ainsi, à l’image de nombreux étudiants américains de l’époque, dans l’American Ambulance Field Service, association avec laquelle il rejoint les champs de bataille français. 

Malheureusement, Jessica Brockmole a greffé à cette première correspondance une seconde échangée une vingtaine d’années plus tard. Or cette deuxième intrigue alourdit inutilement le récit. L’auteure s’éparpille ainsi en voulant multiplier les thèmes, ce qui l’empêche de creuser des personnages qui avaient pourtant du potentiel. Dans ce contexte, l’histoire et le type de narration choisi deviennent au fil des pages de plus en plus artificiels.

Si l’on passe outre les importantes longueurs du texte, Une lettre de vous reste malgré tout un roman épistolaire sympathique, au style fluide. Merci à l'opération Masse Critique de Babelio (site où vous trouverez des avis globalement plus positifs que le mien) et aux Presses de la Cité de m'avoir offert l'opportunité de le découvrir.

Jessica Brockmole, Une lettre de vous, éditions Presses de la Cité, 2014, 283 pages.

Quelques extraits :

"Les émotions sont aussi éphémères qu’une nuit tranquille." (p. 37)

"Chère Margaret,

Il est bon de réfléchir. C'est ce qui sépare les êtres humains des cafards.

Mère" (p. 38)

"Je suis un garçon qui n'a rien pour lui que du cran. Pourquoi voudriez-vous de quelqu'un comme moi ?" (p. 103)


mercredi 26 février 2014

Deux courts romans écrits à la première personne (2) : Les noces clandestines - Claire-Lise Marguier

Bien que son roman ne soit absolument pas autobiographique, l'écrivaine française Claire-Lise Marguier a choisi d'employer dans son second roman le même procédé que celui utilisé par Raquel Robles dans Petits combattants. Publié un an après son très réussi Le faire ou mourir (à lire absolument, si ce n'est déjà fait), Les noces clandestines est entièrement narré à la première personne par son personnage principal, un homme dont on ne connaîtra jamais le nom. C'est un texte glaçant, totalement dénué d'humour. Ce livre publié dans la collection La Brune des éditions du Rouergue au printemps 2013 ne m'intéressait d'ailleurs pas a priori. Mais la lecture d'avis enthousiastes comme ceux d'In cold blog ou bladelor (pour d'autres références, allez voir chez Babelio) m'a convaincue d'y jeter un œil. 

C'est l'histoire d'un homme en apparence banal. Âgé d'une quarantaine d'années, il est professeur d'histoire dans un collège. Mais alors que la femme qui l'a élevé vient de mourir, il rencontre Joël, un jeune sans-abri qu'il décide de retenir dans la chambre qu'il a installée au sous-sol de sa maison.

Avec ce nouveau roman, Claire-Lise Marguier traite un thème particulièrement difficile: elle fait le récit d’une séquestration du point de vue du kidnappeur. Et elle parvient à en éviter tous les écueils et les clichés. Elle ne cherche pas à nous faire aimer les personnages, à détailler les raisons de leurs agissements, à verser dans le sentimentalisme. Son but n'est pas de mettre le lecteur à l'aise, ni d'en faire un voyeur. Elle a donc écrit un texte court, sans un mot de trop, et qui sonne juste, sans jamais verser dans la trivialité.

Les noces clandestines est un roman à part, étrangement fascinant. Un livre qui, malgré son thème, n'a rien d'un roman d'horreur banal. Ses pages se tournent toutes seules.


Claire-Lise Marguier, Les noces clandestines, éditions du Rouergue, 2013, 120 p.

Deux extraits du début du roman:

"On dit souvent bien niaisement que l'on sent la mort rôder à pas feutrés, se cacher dans les ombres des portes et dans les entrebâillements de placards. Pas du tout. Elle est lointaine, intouchable. Elle ne fait pas partie de ce monde tant qu'elle n'a pas fondu sur vous. Vous croyez que vous aurez droit à un signe vous indiquant qu'elle va vous ravir quelqu'un. Que votre chien va hurler sans raison, que les carillons vont tinter. Que vous serez là pour recueillir les dernières volontés du moribond, avant qu'il n'ait un soupir et rende l'âme. Si c'est à cela que vous vous attendez, vous vous sentirez floués le moment venu. Parce que la mort entre par la grande porte, en plein jour, à l'heure bruyante de la sortie des écoles, passe devant vous sans un mot et vous vous trouvez à contempler stupidement un cadavre, en vous questionnant sur l'utilité d'ameuter votre entourage." (p. 11-12)

"Il y a dans chaque existence un moment charnière duquel découlent tous les autres événements. On prête aux rencontres cette capacité, mais cela va bien au-delà. La minute de retard qui vous a fait prendre un raccourci. Le clou sur la route qui vous a amené chez le garagiste du coin. Ces anicroches qui vous dévient inconsciemment de votre route pour vous conduire sur des chemins de traverse et faire basculer les destinées des cinquante personnes à la ronde." (p. 13)

Le point de vue du narrateur sur la lecture : 

"Quant à moi, je me tenais à distance raisonnable des livres, ainsi que je l'avais toujours fait, conscient du danger qu'ils représentent, ne lisant que le strict minimum et ne commettant jamais l'erreur de croire au caractère inoffensif du plus insignifiant d'entre eux. En lire la première ligne vous asservit jusqu'à la dernière, et même longtemps après. Entre leurs pages, vous n'êtes plus maître de vous-même ; vous vous abandonnez sans conditions à l'esprit d'une plume plus forte que vous, susceptible de vous emmener dans des travers sombres et glauques, de vous faire admettre des idées fausses sans que vous ne cilliez. Les mondes qu'ils dévoilent sont capables de vous aspirer et de vous emprisonner dans une ronde infernale de désespoir et de culpabilité, n'ignorant pas que vous demeurerez à jamais impuissant à embrasser le dixième de leurs révélations, même si vous y passiez le reste de votre éternité. Les livres sont des pièges mortels et pervers où s'égare la raison, et qui se cachent sous des allures nobles de pourvoyeurs de connaissances."  (p. 90-91)

samedi 22 février 2014

Deux courts romans écrits à la première personne (1): Petits combattants - Raquel Robles

J'ai lu récemment deux romans écrits à la première personne qui m'ont bouleversée. Deux ouvrages dont le narrateur reste volontairement anonyme. Le premier est un roman autobiographique, premier titre traduit en français (mais troisième livre publié) de Raquel Robles. Cette écrivaine argentine, née à Santa Fe en 1971, a en effet perdu son père et sa mère, opposants à la dictature arrêtés et disparus alors qu'elle n'avait que cinq ans.

On ne saura jamais son prénom. Ni son âge. Mais comme l'auteure, la narratrice de Petits combattants a grandi dans l'Argentine de Perón. Elle a connu le "Pire" : une nuit, ses parents, communistes, ont été enlevés. Elle tente de continuer à vivre en suivant leur modèle, d'être fidèle à la Révolution, d'être forte pour son petit frère. Tenaillée par l'espoir de retrouver un jour son papa et sa maman.

C'est un roman bref mais très émouvant que nous propose Raquel Robles avec Petits combattants. Elle décrit avec beaucoup de justesse l'enfance d'une fillette qui essaie de rester digne et courageuse après l'impensable. Une enfant qui ne peut accepter la disparition de ses parents et qui tient absolument à continuer malgré tout à se battre avec son frère, son complice. L'auteure parvient à lui donner une voix et des expressions d'enfant révoltée, qui s'accroche à ce qu'elle sait, sans jamais verser dans le pathos. Jamais elle ne cherche à s'apitoyer sur elle-même. Au contraire. Raquel Robles évite ainsi avec talent les clichés et le ridicule pour nous proposer un récit très vivant, bouleversant et paradoxalement drôle.

C'est une véritable pépite (repérée grâce à l'opération Masse Critique de Babelio, que je remercie chaleureusement) que nous proposent les éditions Liana Levi avec ce roman extrêmement fort. Une très belle découverte.

Raquel Robles, Petits combattants, traduit de l'espagnol par Dominique Lepreux, éditions Liana Levi, 2014, 137 p.

L'incipit du roman :

« Je savais que nous étions en guerre, je savais qu’il y avait eu une sorte de combat et qu’ils devaient se trouver dans une prison glaciale en train de lutter pour leur vie. Je savais que je devais résister. Malgré tout, une chose me déconcertait : il n’y avait pas eu un seul coup de feu. Alors dire « ils les ont emmenés », ce n’était pas si faux, ce n’était pas un code pour désigner une terrible fusillade, des heures de combat, puis une capitulation face à l’inégalité des forces. C’était une réalité : ils étaient venus à la maison, en grand nombre, c’est sûr, il y avait eu des cris, du désordre, des heures d’interrogatoire, et ensuite ils les avaient emmenés. Ma grand-mère me disait que ça c’était passé comme ça  parce que mes parents voulaient nous protéger. Ce qui m’a toujours paru ridicule : nous étions des combattants, nous étions préparés à affronter un tel moment, nous savions quoi faire, où nous cacher, quand courir, quand pleurer. Nous savions que nous devions être forts, nous savions ce qui pouvait arriver. Se réveiller le matin et voir sa grand-mère décomposée, essayant de ranger la maison avec son corps énorme et impotent, répétant, la voix étranglée, « ils les ont emmenés, ils les ont emmenés », c’était horrible. Ils s’étaient battus la nuit durant, et moi je dormais ! Quel être humain peut dormir d’un sommeil aussi lourd ! » (p.11)

Deux autres extraits:

« Je savais parfaitement que la religion était l’opium du peuple. Je n’étais pas bien sûre de ce qu’était l’opium, sans doute quelque chose de très mauvais, qui une fois avalé par le peuple retardait irrémédiablement le Processus révolutionnaire. Non seulement dieu n’existait pas, mais croire en son existence nous causait du tort à tous. Je savais aussi que nous étions en train de traverser une période de Résistance et qu’il fallait dissimuler. Il était évident que le Peuple avait l’opium sur l’estomac parce que le Processus révolutionnaire était très en retard. Et personne ne semblait se rendre compte que la Révolution était au bout du chemin. Il se pouvait que les activités de simulation soient en train de porter leurs fruits, mais c’est justement là le problème de la clandestinité : il n’y a personne à qui poser la question. » (p. 27)

« Les souvenirs sont facétieux, ils n’en font qu’à leur tête. Quand tu veux te souvenir de quelque chose, tu peux t’y appliquer toute la nuit et il ne se passe rien ; quand tu es occupée à autre chose, pan ! il en apparaît un et c’est comme si un inconnu te collait une gifle en pleine rue sans raison. On a beau s’être entraîné tous les jours pendant longtemps, c’est peine perdue. » (p. 65-66)

Une interview de l'auteure pour en savoir un peu plus.




vendredi 7 février 2014

Publiés en 2013 (5) : Opération séparation - Stephanie Bond

Après ma déception avec une romance Young adult, j'ai décidé de revenir à une romance contemporaine plus classique, publiée en août dernier dans la collection "Central Park" des éditions Milady. J'ai ainsi découvert le travail de Stephanie Bond, écrivaine américaine auteure de plus de soixante ouvrages, dont quelques-uns traduits en français aux éditions Harlequin.

Les héros d'Opération séparation sont deux travailleurs acharnés, célibataires aux personnalités bien affirmées: Annabelle, est une avocate de 28 ans. Clay, de sept ans son aîné, travaille dans la finance. Ils évoluent dans deux mondes différents. Mais quand ils découvrent que leurs parents respectifs souhaitent se marier l’un avec l’autre, ils sont prêts à tout pour empêcher ce mariage, qui serait le sixième du père de Clay, un célèbre acteur. Sauf que leur première rencontre fait des étincelles, dans tous les sens du terme.

Comme le montre son résumé, Opération séparation est une romance contemporaine relativement classique, avec les clichés inhérents au genre. Mais Stephanie Bond a su user de ceux-ci pour composer une histoire pétillante, dans laquelle on ne s'ennuie pas une seconde. Elle a doté ses deux héros (bien évidemment pleins de charme) d'un sacré caractère, si bien que chacune de leurs rencontres donne lieu à des scènes très évocatrices, souvent drôles et assez originales. L'intrigue, si elle use des ficelles de la romance, est ainsi soignée aux petits oignons, rythmée et bien construite. 

Bref, c’est un livre plein d'humour et de fraîcheur, idéal pour se changer les idées. Il a su plaire également à Nifnif59 et Melwasul.

Un extrait (p. 68):
"- C’est amusant […]. Je croyais que c’était vous l’invitée ici. Je suis chez moi, si l’on peut dire.
Elle avança jusqu’au bord de la piscine et croisa les bras.
- Ce sont les excuses les plus étranges que j’aie jamais entendues.
- Des excuses ? s’étonna Clay en haussant un sourcil.
- Votre famille souffrirait-elle de sénilité chronique ? demanda-t-elle dans un sourire faussement attendri. Je parle d’excuses pour m’avoir insultée et agressée.
- On ne vous avait jamais embrassée auparavant ?"


Stephanie Bond, Opération séparation, édtions Milady, 2013, 328 p.

mardi 4 février 2014

Publiés en 2013 (4): Loin de tout - Jessica Ann Redmerski

Depuis quelques mois, on entend de plus en plus parler du "New adult", genre créé aux Etats-Unis à destination des 18-25 ans. Loin de tout est l'un des premiers ouvrages de ce type traduits en France. Comme Cinquante nuances de Grey, c'est un roman qui a d'abord été autopublié sur Internet par Jessica Ann Redmerski, américaine née en 1975. Face au succès remporté, l'auteure a ensuite trouvé un éditeur.

J'étais donc intriguée par l'histoire de Camryn, vingt ans, qui ne se sent pas à sa place dans sa petite vie rangée, sans passions. Après une dispute avec Natalie, sa meilleure amie, elle prend au hasard le premier car. Sa route croise bientôt celle d'Andrew, mystérieux jeune homme de vingt-cinq ans qui se rend au chevet de son père mourant.

Le problème, c'est que le style m'a agacée dès les premières lignes: ce n'est pas très bien écrit, mais en plus la traduction n'est franchement pas terrible. Ce qui donne des expressions comme: "le menton rêveusement enfoui", "l'attention comme aimantée" (p. 1), dont on se lasse assez vite. De même, les personnages sont plutôt banals, si bien que l'on ne s'attache pas vraiment à eux. Il y a trop de clichés chez Camryn, Andrew, Natalie et compagnie pour qu'on se passionne pour leurs aventures, leurs secrets et autres problèmes. D'autant qu'ils agissent souvent de manière peu crédible, voire complètement stupide. Pourtant l'intrigue, malgré quelques longueurs, avait de quoi être intéressante. 

Bref, cette première incursion dans le genre du New adult ne m'a pas vraiment convaincue, même si j'ai apprécié l'aspect road trip à travers les Etats-Unis, qui aurait pu être plus développé. C'est d'ailleurs un roman qui divise les lecteurs de Babelio.


Jessica Ann Redmerski, Loin de tout, éditions Milady, 2013, 436 p.

vendredi 31 janvier 2014

Publiés en 2013 (3): La Cuisinière d'Himmler - Franz-Olivier Giesbert


Franz-Olivier Giesbert, né le 18 janvier 1949, s'est d'abord fait connaître en tant que journaliste: ayant débuté au service politique du Nouvel observateur, il a notamment été par la suite directeur du Point, poste qu'il vient de quitter. Mais il est aussi l'auteur de près d'une trentaine de livres. La Cuisinière d'Himmler, publié au printemps 2013, est son treizième roman, et le premier que je lis.

Il s'agit des mémoires imaginaires de Rose, qui  à 105 ans est toujours cuisinière et propriétaire du restaurant "La Petite Provence" à Marseille. Après avoir reçu une lettre qui fait remonter ses souvenirs à la surface, elle prend la plume pour retracer sa vie tumultueuse.

C'est son personnage principal qui m'a donné envie de lire ce roman. La quatrième de couverture présente l'héroïne et narratrice comme une femme qui ne se laisse pas abattre et rebondit toujours après avoir touché le fond. C'est vrai. Mais le résumé oublie de préciser que pour elle, la fin justifie les moyens. Elle prône donc la vengeance, se fait justice elle-même... et s'avère au final pas franchement aimable.

De plus, Franz-Olivier Giesbert a voulu aborder trop de sujets : Rose fait le tour de la planète, vit le génocide arménien, côtoie les figures du Paris de l'entre-deux-guerres, devient la cuisinière d'Himmler en plein cœur de la Seconde guerre mondiale,... au point de devenir une vraie caricature. A l'image d'ailleurs des autres personnages, réduits à des silhouettes qui ne font que traverser la vie de l'héroïne. Et à force de vouloir faire de celle-ci un condensé du XXe siècle, en accumulant au passage les clichés, l'auteur finit par ôter toute crédibilité au roman. 

Or l'histoire reste le principal intérêt d'un livre au style très plat. Même si quelques passages sont plus réussis, Franz-Olivier Giesbert a en effet souvent tendance à réduire le discours de Rose à un chapelet de platitudes et de jugements à l'emporte-pièce qui s'amoncellent.

Au final, ne reste donc de La Cuisinière d'Himmler que le souvenir d'une histoire mal écrite qui prône des valeurs douteuses. Une déception qui ne m'a pas vraiment fait rire et m'a ôté toute éventuelle envie de lire un autre roman de l'auteur. Mais c'est un roman qui divise, si l'on en croit les critiques très contrastées publiées sur Babelio.

Le début du prologue, pour vous donner une idée du ton du livre :

"Je ne supporte pas les gens qui se plaignent. Or, il n’y a que ça, sur cette terre. C’est pourquoi j’ai un problème avec les gens.
Dans le passé, j’aurais eu maintes occasions de me lamenter sur mon sort mais j’ai toujours résisté à ce qui a transformé le monde en grand pleurnichoir.
La seule chose qui nous sépare des animaux, finalement, ce n’est pas la conscience qu’on leur refuse bêtement, mais cette tendance à l’auto-apitoiement qui tire l’humanité vers le bas. Comment peut-on y laisser libre cours alors que, dehors, nous appellent la nature et le soleil et la terre ?
Jusqu’à mon dernier souffle et même encore après, je ne croirai qu’aux forces de l’amour, du rire et de la vengeance. Ce sont elles qui ont mené mes pas pendant plus d’un siècle, au milieu des malheurs, et franchement je n’ai jamais eu à le regretter, même encore aujourd’hui, alors que ma vieille carcasse est en train de me lâcher et que je m’apprête à entrer dans ma tombe.
Autant vous dire tout de suite que je n’ai rien d’une victime. Bien sûr, je suis, comme tout le monde, contre la peine de mort. Sauf si c’est moi qui l’applique. Je l’ai appliquée de temps en temps, dans le passé, aussi bien pour rendre la justice que pour me faire du bien. Je ne l’ai jamais regretté." (p. 13-14)

Et l'un des rares passages qui m'a fait sourire: 
« Un jour, après que Jacky m'eut dit qu'il avait le sentiment d'avoir raté sa vie, je lui demandai quel genre d'homme il aurait aimé être. Il m'a répondu sans hésiter:
"Une femme." » (p. 96)

Franz-Olivier Giesbert, La Cuisinière d'Himmler, Gallimard, 2013, 369 p.
  

mercredi 29 janvier 2014

Publiés en 2013 (2): Quand rentrent les marins - Angela Huth

Écrivaine et journaliste anglaise née en 1938, auteure de neuf romans traduits en français, Angela Huth est célèbre notamment pour Les Filles de Hallows Farm, adapté au cinéma en 1998. C'est avec ce titre que j'avais beaucoup aimé que j'ai découvert son travail il y a quelques années. Mais sa suite Souviens-toi de Hallows Farm, dont j'attendais probablement trop, m'avait ensuite beaucoup déçue. C'est donc avec une certaine curiosité que j'ai ouvert Quand rentrent les marins, roman publié en France au printemps dernier.


C'est l'histoire de Myrtle et Annie, deux amies inséparables depuis leur plus jeune âge. Mariées à des pêcheurs, elles vivent au rythme des allées et venues de leurs époux, dans le petit port d'Écosse où elles ont grandi. Avec une peur latente: qu'un jour, l'un d'eux ne revienne pas.

Quand rentrent les marins, c'est donc d'abord deux portraits de femmes dont l'antagonisme peut paraître un peu forcé au départ : l'une est aussi belle et pétulante que l'autre est quelconque et discrète. Mais la description de leur amitié montre que chacune est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Et avec le temps de lourds secrets se sont accumulés entre elles. L'auteure nous propose ainsi la chronique subtile d'un mode de vie qui a peu évolué avec les années, celui des familles de pêcheurs, des petits ports où tout le monde se connaît et où le moindre accroc aux habitudes est aussitôt connu de tous. Son style sobre convient bien à une histoire qui n'a rien de révolutionnaire (les quelques rebondissements sont assez prévisibles) mais sonne juste.

Le dernier roman d'Angela Huth, s'il n'est pas son meilleur à mes yeux, a un charme très british et deux héroïnes auxquelles il est difficile de rester indifférent, comme le montrent les avis publiés chez Babelio.

Quelques extraits :
"Les femmes de pêcheurs ont coutume dans la journée de jeter de multiples coups d’œil vers l'horizon, mais il faut être des leurs pour savoir repérer ces regards furtifs, la lueur d'angoisse au fond de ces yeux prématurément vieillis par l'examen répété de la mer lointaine." (p. 13)

"L'argent est foutrement important quand il n'y en a pas." (p. 225)


Angela Huth, Quand rentrent les marins, éditions Quai Voltaire, 2013, 378 p.

vendredi 24 janvier 2014

Publiés en 2013 (1): Western Girl - Anne Percin

En cette période de rentrée littéraire de janvier 2014, j'ai eu envie de me pencher sur des titres parus en 2013. Pour commencer, j'ai donc choisi Western Girl, roman plein de charme paru dans la collection DoAdo en mars dernier.

Ce livre est le huitième ouvrage publié par l'auteure française Anne Percin aux éditions du Rouergue, après notamment deux titres dans la collection la brune qui m'avaient beaucoup plu (Bonheur fantôme et Le Premier été, à découvrir si ce n'est pas déjà fait) et le remarqué Comment (bien) rater ses vacances.

C'est l'histoire d'Élise Bonnel, jeune passionnée de culture country qui part trois semaines en stage dans un ranch du Midwest. Problème: comme elle le confie à son journal, tout ne va pas se passer comme elle l'avait rêvé. 

Le premier charme de ce roman, c'est sa  narratrice, jeune fille singulière mais jamais prétentieuse, dont Anne Percin fait une digne héritière d'Elizabeth Bennett. L'auteure parvient à lui donner une voix tout à fait crédible, ni trop relâchée ni trop ampoulée, et souvent drôle, si bien qu'on a réellement l'impression d'être le destinataire des confidences qu'elle fait à son journal de bord. De plus, la forme donnée au récit et le thème de la culture country, à laquelle il est fait de nombreuses allusions plutôt intéressantes et jamais pesantes, apportent un réel plus à l'intrigue plutôt classique choisie par Anne Percin, qui rend hommage dans la construction de son histoire à Orgueil et préjugés.

Tout ceci concourt à faire de Western Girl une réécriture originale, très actuelle et pleine d'humour du roman de Jane Austen. Et qui semble beaucoup plaire sur la blogosphère: cf. les avis de Sophie PilaireClarabelA propos de livres ou sur Babelio

Un petit extrait pour achever de vous convaincre:
"Jeudi 12 juillet
Hier, j’ai pas eu le temps de finir mon histoire, à propos de mon départ. C’est pourtant juste pour ça que j’avais acheté ce cahier: pour tenir le journal de bord du voyage ! Des faits, des dates, des choses précises. Un truc sérieux, quoi. Bon, c’est raté. C’est super compliqué de tenir un journal, quand on y pense ! Qu’est-ce qu’il faut dire, ne pas dire ? Pour qui, pour quoi, pour quand ? Et est-ce qu’on aura le temps de tout écrire avant de descendre mettre la table ? Bref, que des vrais problèmes… " (p. 11)


Anne Percin, Western Girl, éditions du Rouergue, 2013, 200 p. 

mardi 21 janvier 2014

Guerrières (4) : Guerrières ! A la rencontre du sexe fort - Moïra Sauvage

Après les combattantes de fiction, retour aux guerrières du monde réel. C'est le sujet du deuxième essai publié par la journaliste Moïra Sauvage, qui a été pendant six ans responsable de la commission Femmes d'Amnesty International France. 

Dans un premier temps, l'essayiste s'interroge sur le tabou de la force féminine : pourquoi trouve-t-on actuellement encore si peu de femmes dans les clubs de sport de combat ou dans l'armée ? Pourquoi l'histoire est-elle si prompte à oublier les gladiatrices, soldates,  émeutières ? Puis l'auteure part à la rencontre des guerrières d'aujourd'hui, qu'elles s'engagent dans la police, les guérillas,  ou qu'elles pratiquent des sports "virils". Enfin, Moïra Sauvage s'intéresse aux femmes  qui utilisent leur force pour s'engager, dans la défense de leurs droits par exemple, mais aussi dans la conquête de leur indépendance économiques, ou qui s'impliquent en politique. 

La journaliste réalise ainsi une synthèse très intéressante et assez complète sur la violence féminine, montrant les constructions sociales qui font que l'agressivité et l'expression de la colère des femmes sont beaucoup moins bien acceptées que celles des hommes. En conclusion, elle nous propose une importante bibliographie pour creuser davantage le sujet. Son texte n'a pas une ligne superflue. Il ne se contente jamais des clichés et aurait pu faire le double de pages sans lasser tant il y a à dire.

Un essai passionnant qui montre de façon convaincante que violence et force ne sont pas l'apanage des seuls hommes, mais bien de l'ensemble des humains. A découvrir.

D'autres avis chez Brize ou Cynthia.


Moïra Sauvage, Guerrières! À la rencontre du sexe fort, éditions Actes Sud, 2012, 318 p.

dimanche 19 janvier 2014

Guerrières (3) : Les Ailes de la nuit - Lisa Kleypas

Les guerrières, au quotidien, ce sont aussi ces femmes qui se battent pour mener une vie indépendante, en fonction de leurs propres choix, et faire vivre  leur famille. A une époque, où beaucoup d'héroïnes de romance sont décrites comme des femmes "soumises", est-il encore possible de trouver des ouvrages où les personnages féminins ne sont pas réduits à des caricatures ? Jusqu'à un certain point, oui.

Lisa Kleypas est une auteure américaine spécialisée dans la romance, historique notamment, depuis les années 1980. Elle semble apprécier les héroïnes à fort tempérament car celles qu'elle met en scène dans Les Ailes de nuit, premier tome de la saga de la famille Hathaway, n'en manquent pas.

L'histoire débute à Londres en 1848. Après avoir été abandonnée par son prétendant pour la fille d’un célèbre architecte, Amelia Hathaway n’espère plus se marier. Elle ne peut s'embarrasser de chaperon ou de bonnes manières : son frère aîné Leo se vautre dans la débauche et la laisse seule s’occuper de ses trois jeunes sœurs. Mais sa rencontre avec le déroutant Cam Rohan, gérant d’un club de jeu, va bouleverser ses projets.

Si l'intrigue n'est pas complètement dénuée de clichés, Lisa Kleypas a fait des deux héros des êtres à part : si c'est son frère Leo qui est l'aîné et a hérité du titre, c'est Amelia qui est la chef de famille, responsable de leurs maigres finances, dans les faits. [SPOILER] Et c'est elle qui va convaincre Cam, homme riche et volage, de lui sacrifier une partie de sa liberté. [SPOILER] Leurs côtés excentriques, leurs discussions à fleurets mouchetés font tout le charme de cette romance menée tambour battant. L'auteure en profite d'ailleurs pour introduire une belle galerie de personnages secondaires prometteurs, qui seront développés dans d'autres tomes, comme Beatrix, la benjamine de la famille, passionnée par les animaux.

Les Ailes de la nuit, qui était ma première lecture d'un roman de Lisa Kleypas, s'est donc avéré un excellent divertissement, mettant en scène une héroïne au tempérament de battante dans un milieu où cela était généralement peu apprécié.

Extrait :

“- Je suis parfaitement ordinaire, protesta Amelia.
- Pff !
Amelia jeta un regard surpris à sa sœur.
- Au nom du ciel, que signifie ce « Pfff » » ?
- Tu essaies de diriger tout et tout le monde. Et tu ne fais confiance à personne en dehors de la famille. Tu es comme un porc-épic. Personne ne peut aller au-delà de tes piquants.ˮ (p. 144)

D'autres avis positifs chez l'addict des livresMivava ou Sandy.



Lisa Kleypas, Les Ailes de la nuit, éditions J’ai Lu, 2010, 380 p.


vendredi 17 janvier 2014

Guerrières (2) : Glitch (tome 1) - Heather Anastasiu

Dans la littérature contemporaine destinée aux ados, les figures de combattantes ne sont plus rares aujourd'hui. Beaucoup de dystopies ou de romans se déroulant dans un univers de fantasy mettent aujourd'hui en scène des figures de guerrières : Katniss Everdeen dans la trilogie Hunger games, Clary dans La Cité des Ténèbres, ou Tris dans Divergente, pour ne prendre que trois exemples, ne cessent de combattre pour défendre leurs proches, leurs idées et leurs vies. C'est une héroïne de la même trempe qu'a créée Heather Anastasiu, auteure américaine de young adult, dans Glitch, son premier roman publié.

L'histoire ? Zoel vit dans un monde gris, où sentiments et couleurs n'existent plus. Dans la Communauté, on ne ressent ni souffrance ni joie car chacun porte une puce qui supprime les émotions, qui ont causé la perte de l'ancien monde. Mais Zoel "glitche", commence à avoir des sensations qu'elle peine à comprendre, à percevoir ce qu'elle ne voyait pas auparavant... Pour survivre et éviter la désactivation, la voilà obligée de combattre le système.

Malgré une héroïne au caractère bien trempé, Glitch ne tient pas toutes ses promesses. L'histoire manque d'originalité, aussi bien dans l'univers décrit que dans les personnages, peu charismatiques et où l'on retrouve un énième triangle amoureux. C'est d'autant plus visible que le style d'Heather Anastasiu est très quelconque: la description des sentiments que l'héroïne découvre et identifie peu à peu donne donc lieu à une avalanche de clichés. Quelques exemples piochés p. 132 : 
"Une coulée de lave brûlante déferle au creux de mon ventre." 
"Le bonheur qui m'a submergée il y a quelques secondes est étouffé par une douleur sourde qui me tord l'estomac."

Glitch s'est donc révélé être une déception, malgré une idée de départ et une narratrice intéressantes. Lisez plutôt l'une des trilogies citées en introduction pour découvrir des "guerrières" aux aventures passionnantes.


Heather Anastasiu, Glitch, tome 1, Robert Laffont, 2012, 368 p.

samedi 11 janvier 2014

Guerrières (1) : Le Roi transparent - Rosa Montero

En cette année de commémoration de la Première guerre mondiale, je me suis interrogée sur le rôle des femmes combattantes et leur représentation dans la littérature. Dans la Grande Guerre, il y eut ainsi des femmes résistantes et des espionnes. Mais auparavant, au cours des siècles, des femmes ont déjà combattu: des gladiatrices dans l'arène à Rome, des femmes travesties sur les champs de bataille... 

C'est sans doute en s'inspirant d'elles que l'héroïne du Roi transparent a été créée par Rosa Montero, écrivaine et journaliste espagnole née en 1951. Depuis la parution de son premier roman en 1979, elle est l'auteure d'une oeuvre prolifique dont sept titres ont été traduits en français aux éditions Métailié. Je l'ai découverte avec Des larmes sous la pluie, passionnant roman de science-fiction publié en France début 2013, qui m'avait donné envie de me pencher davantage sur son travail. C'est chose faite avec cet étonnant Roi transparent.

L'histoire ? Dans la France du XIIe siècle, Léola, jeune serve, perd sa famille et son amoureux dans les guerres seigneuriales. Elle fuit en se dissimulant derrière l’armure trouvée sur le corps d’un chevalier mort. Elle croise bientôt le chemin de Nynève, guérisseuse qui devient son guide.

L’atout majeur de ce quatrième roman de Rosa Montero traduit en français, c’est d’abord son héroïne, une jeune femme forte, courageuse et intelligente, dont on suit le parcours sur 25 ans. C’est aussi la galerie de personnages qui l’entourent, qui ont tous leur intérêt particulier, du seigneur de Ballaine, qui aide Léola à se transformer en chevalier, au curieux Frère Angelin, en passant par les illustres Aliénor d’Aquitaine et Héloïse... L’écriture de l’écrivaine ne s’embarrasse pas de clichés, que ce soit dans son style épique, intelligemment travaillé (et servi par la traduction soignée de Myriam Chirousse), ou dans l’intrigue. Au service de cette dernière, elle n’hésite d’ailleurs pas à triturer l’Histoire et à la mêler aux mythes. Et la sauce prend : on ne s’ennuie pas avec les nombreux virages que prend l’itinéraire de Léola, même si ce dernier aurait gagné à être un peu raccourci.

Le Roi transparent est donc un roman d’aventures étonnant et bien construit, porté par une héroïne à part.

Quelques extraits :

« Ah, la vérité… qui sait la vérité ? Peut-être qu’il existe plus d’une vérité, peut-être aucune. Comme je te le disais, la vérité est toujours ce qu’il y a de plus difficile. » (p. 54)

« [P]ersonne ne peut améliorer ta vie pour toi, et pour pouvoir toucher le ciel il faut d’abord mourir. Méfie-toi de ceux qui ont plus de réponses que de questions. De ceux qui t’offrent le salut comme on offre une pomme. Notre destin est un mystère et peut-être que le sens de la vie n’est rien d’autre que la quête de ce sens. » (p. 80)

« Tu n’as aucune idée de ce qu’est la haine. C’est une ronce dure et exubérante qui remplit tout, qui étouffe le moindre petit doute émotionnel, qui nous sauve de nos misérables dépendances. Dans ma haine, je me suffis à moi-même et je suis heureuse. Mon cœur est fait d’un fer aussi trempé et aussi noir que celui de cette cuirasse, et aussi impénétrable. Tes paroles me font rire. Elles sont pour moi comme le chant d’un grillon : innocentes et incompréhensibles. » (p. 298)

Beaucoup d'autres avis positifs au sujet de ce roman sur la blogosphère comme chez Une ComèteMiss Léo, KeishaUn chocolat dans mon roman, ou Sandrine.

Le Roi transparent, de Rosa Montero, traduit de l'espagnol par Myriam Chirousse, éditions Métailié, 2008, 471 p.

mercredi 8 janvier 2014

Quelques lectures marquantes de 2013

En 2013, j'ai beaucoup lu tout au long de l'année. J'ai souri, pleuré, ri, j'ai eu les doigts collés aux pages de mon livre jusqu'à sa fin, j'ai eu envie de jeter mon exemplaire par la fenêtre, je suis tombée sous le charme de titres inattendus mais j'ai aussi connu de vraies déceptions... Voici un petit échantillon des ouvrages que j'ai particulièrement aimés durant ces douze mois :


Alias Caracalla, Daniel Cordier : les mémoires passionnants (qui couvrent la période de juin 1940 à juin 1943) du jeune homme qui fut le secrétaire de Jean Moulin. Cf. Babelio.

Les Reflets d’argent, Susan Fletcher : un roman anglais extrêmement émouvant et bien écrit. Cf. les avis disponibles sur Babelio.

Nos étoiles contraires, John Green : une magnifique histoire d’amour. Pour vous en convaincre, lisez notamment la critique enthousiaste de Cess.

Les Misérables, Victor Hugo : un ouvrage qu’on ne présente plus, mais qui mérite vraiment d’être lu malgré ses longueurs, ne serait-ce que pour ses personnages inoubliables. Cf. par exemple les points de vue enthousiastes exprimés chez Babelio

Le Faire ou Mourir, Claire-Lise Marguier : un premier roman qui frappe fort. Cf. la critique d'In Cold Blog, qui m'a donné envie de lire cet ouvrage, et les avis disponibles sur Babelio.

Liquidations à la grecque, Petros Markaris : un policier humaniste réussi, dans le contexte d'une Grèce en crise. Défendu par Dasola et Dominique

Succubus blues, Succubus nights, Succubus dreams, Richelle Mead : une série fantasy passionnante et drôle, qui met en scène une héroïne pétillante. J’ai littéralement dévoré ces trois premiers tomes. Des critiques complètes chez  Babelio.

Les Lames du Cardinal, tome 1 de la trilogie du même nom, Pierre Pevel : un hybride de fantasy et de roman de cape et d’épée ? Ne fuyez pas, c’est un pari étonnamment réussi dans Les Lames du Cardinal, même si la suite m’a un peu moins convaincue. Allez voir l'avis persuasif de Miss Leo.

Le Temps où nous chantions, Richard Powers : un grand roman américain. Plein de critiques sur Babelio.

Dans l’ombre de la lumière, Claude Pujade-Renaud : un beau portrait de femme, qui a enthousiasmé Dominique.

La Colère des aubergines, Bulbul Sharma : de piquantes nouvelles indiennes. Quelques critiques chez Babelio.

Le Manoir de Tyneford, Natasha Solomons : un très bon roman historique anglais. À découvrir.