Le roman épistolaire est un genre qui a donné naissance à des perles, comme Les Liaisons dangereuses, un classique qui fait partie de mon panthéon personnel, ou le piquant 84, Charing Cross Road. Mais c'est un type de narration complexe, qui peut virer à l'exercice de style plat et scolaire s'il n'est pas suffisamment maîtrisé.
Une lettre de vous, premier ouvrage de l’écrivaine américaine Jessica Brockmole, parvient à échapper à cet écueil, mais sans transformer complètement l'essai.
Tout débute en 1912, sur l'île de Skye, lorsque la jeune poétesse Elspeth Dunn reçoit une lettre d’un jeune admirateur américain. Elle décide de répondre, entamant ainsi une correspondance régulière avec cet étudiant qui partage son goût pour la littérature. Près de trente ans plus tard, à Édimbourg, Margaret trouve une lettre d’amour dans les affaires de sa mère, qui disparaît le lendemain. Elle décide d’enquêter pour lever le voile sur « le premier tome de [sa] vie » et tenter de mieux comprendre cette femme mystérieuse.
Dans Une lettre de vous, Jessica Brockmole mêle ainsi roman historique et correspondance, histoire d’amour et quête des origines sur fond de guerres. Le premier fil narratif est plutôt réussi. L’auteure réussit à rendre vivant et plein de charme l’échange épistolaire entre Elspeth et David, son plus fervent lecteur. De plus, s’étant visiblement documentée, elle nous permet de découvrir quelques aspects peu connus des deux guerres mondiales sans que l’on ait l’impression de subir un cours d’histoire : David s’engage ainsi, à l’image de nombreux étudiants américains de l’époque, dans l’American Ambulance Field Service, association avec laquelle il rejoint les champs de bataille français.
Malheureusement, Jessica Brockmole a greffé à cette première correspondance une seconde échangée une vingtaine d’années plus tard. Or cette deuxième intrigue alourdit inutilement le récit. L’auteure s’éparpille ainsi en voulant multiplier les thèmes, ce qui l’empêche de creuser des personnages qui avaient pourtant du potentiel. Dans ce contexte, l’histoire et le type de narration choisi deviennent au fil des pages de plus en plus artificiels.
Si l’on passe outre les importantes longueurs du texte, Une lettre de vous reste malgré tout un roman épistolaire sympathique, au style fluide. Merci à l'opération Masse Critique de Babelio (site où vous trouverez des avis globalement plus positifs que le mien) et aux Presses de la Cité de m'avoir offert l'opportunité de le découvrir.
Jessica Brockmole, Une lettre de vous, éditions Presses de la Cité, 2014, 283 pages.
Quelques extraits :
"Les émotions sont aussi éphémères qu’une nuit tranquille." (p. 37)
"Chère Margaret,
Il est bon de réfléchir. C'est ce qui sépare les êtres humains des cafards.
Mère" (p. 38)
"Je suis un garçon qui n'a rien pour lui que du cran. Pourquoi voudriez-vous de quelqu'un comme moi ?" (p. 103)
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